Mirovα, Creating Sustainable Value - Mai 2024
Bilan et perspectives marchés
Comprendre toutes les nuances du mois d’avril
Après une fin de premier trimestre exceptionnelle pour les actifs risqués, le mois d’avril a débuté par un mouvement de prise de profit avant de se redresser par la suite. Durant la première quinzaine le Nasdaq et le Nikkei ont en effet corrigé de l’ordre de 10 %1, les indices européens d’environ 3 %1 sur fonds de surperformance des valeurs défensives.
Les multiples de valorisation élevés de certains compartiments de marché ainsi que le positionnement excessif des investisseurs fin mars ne permettent d’expliquer qu’en partie ce changement de ton. Sur la première partie du mois, les tensions géopolitiques ont repris de la vigueur, avec la première attaque directe de l’Iran sur Israël le 13 avril. Cela a fait bondir le baril de pétrole à 92$1 tout en alimentant une hausse des taux, des craintes stagflationnistes et un retour de l’aversion au risque. Le VIX, l'indice de volatilité implicite des actions américaines, a ainsi réalisé une incursion rapide au-delà du seuil de 20 %1 en milieu de mois. Les tensions se sont ensuite apaisées, permettant au cours de Brent de terminer avril à 88 $1.
Si la seconde partie du mois a été plus constructive avec des actions européennes et américaines en baisse respectivement de l’ordre de -1,5 % et -4,5 %1 sur avril, c’est aussi grâce à la robustesse de la croissance économique et des résultats des entreprises.
En effet les sociétés ont présenté leurs chiffres trimestriels, et les résultats ont en moyenne nettement depassé le consensus. Des deux côtés de l’Atlantique, les leaders délivrent, technologie en tête chez les Américains, tandis qu’en Europe les banques et les assurances démontrent leur solidité alors que les secteurs défensifs font mieux qu’attendu, notamment la pharmacie et la consommation de base. Notons également ce trimestre un élargissement des révisions positives de bénéfices à l’ensemble des secteurs ainsi qu’une amélioration des marges.
Aussi les investisseurs européens ont-ils pu accueillir avec ferveur les dernières données d’enquête PMI Services, désormais en ligne avec une activité en expansion, ou encore une croissance de PIB2 plus forte que prévu au premier trimestre, confirmant que l’Europe se place bien sur la voie de la reprise. La croissance y atteint +0,3 %1 t/t3 versus +0,1%1. Au Royaume-Uni, elle s’élève à +0,6 % t/t versus 0,4 %1. Du côté des consommateurs, leur confiance s’est encore améliorée en avril, bien qu’à un rythme lent. Autre bonne nouvelle, l’inflation globale est restée stable à 2,4 %1 y/y4en avril en zone euro tandis que l'inflation sous-jacente a continué de ralentir, passant de 2,9 %1 à 2,7 %1, conformément aux attentes.
Aux États-Unis même si la demande domestique reste vigoureuse, en hausse de 0,7 %1 sur le mois d’avril et 3 %1 sur le Trimestre 1 on notera une légère détérioration du mix croissance/inflation. La première estimation de PIB s’élève en effet à 1,6 %1 t/t, en deçà des 2,5 %1 attendus et des 3,4 %1 du trimestre précédent, alors que les chiffres d’inflation ne reculent plus, à 0,4 %1 sur le mois d’avril, contre 0,3 %1 attendu, se maintenant donc au même niveau pour le 3ème mois consécutif. Sur un an l’inflation CPI 5ressort à 3,8 % et l‘indice core PCE à 2,8 %1, toujours au-dessus de l’objectif de la Réserve fédérale.
Assez logiquement cette dernière a décidé de maintenir ses taux inchangés lors de sa dernière réunion, citant un manque de progrès significatif dans la lutte contre l'inflation, tout en écartant la possibilité d’une prochaine hausse des taux, déclaration plébiscitée par les investisseurs.
Nous estimons que la Fed6devrait procéder à une ou deux baisses de taux d’ici la fin de l’année, concentrées après l’été. Quant au marché, ses anticipations de baisses de taux d’ici fin 2024 sont passées de 67 points1 de base à 27bp7 sur le mois d’avril puis ont rebondi à 40bp7 suites aux derniers chiffres de création d’emploi légèrement en dessous des attentes.
En Europe, la BCE8 a quant à elle démontré son optimisme avec une première baisse de taux très probable le 6 juin prochain. Christine Lagarde et son équipe se montrent confiants sur un retour de l’inflation à 2% 9 et devraient donc s’engager sur une voie divergente de la Fed. Les anticipations moyennes des investisseurs en matière de baisses de taux de la BCE d’ici fin 2024 ont toutefois reculé de 89bp7 à 66bp7 au cours d’avril, effaçant ainsi quasiment une baisse.
Au final, le Bund allemand perd en prix 1,8 %9, les OAT10 françaises lâchent 1,5 %9 et les BTP11 italiennes 1,1 %9. La plus forte baisse est pour les bons du Trésor américains à 10 ans : -2,4 %9. Les marchés obligataires souverains ont donc reculé de concert.
Autres mouvements notables sur les marchés en avril, le fort repli du bitcoin, qui perd de l’ordre de 15 %9. À l’inverse, le cuivre, plébiscité dans la transition énergétique, a gagné 14 %9, signant sa meilleure performance mensuelle depuis février 2021, porté par un déséquilibre entre l’offre et la demande.

*- HMM..toujours rien à l’horizon - c’est clair pour l’Europe Jay, c’est bientôt le jour de l’indépendance
Graphique du mois:
différentiel de prime de risque favorable aux actions européennes vs américaines

Source: Bloomberg
Bilan et perspectives macro
Solidité macroéconomique de part et d’autre de l’Atlantique
Avril confirme notre scénario macroéconomique favorable, comme le démontrent les indicateurs avancés et réels, notamment en Europe. Réserve Fédérale et BCE12 ont clarifié leurs politiques pour les prochains mois et ne devraient pas adopter le même tempo pour leurs baisses de taux.
États-Unis : la Fed aux commandes
Aux États-Unis, la Réserve fédérale a maintenu son taux directeur à 5,5 %13, face à une désinflation qui semble avoir fait une pausee. À l’issue de la réunion du FOMC14, il est clair que l’institution n’abaissera pas ses taux dans l’immédiat, adoptant une ligne higher for longer15. Toutefois, cette fermeté ne semble pas inquiéter le marché, et ce pour plusieurs raisons.
D’abord, les craintes d'une accélération des créations d’emplois conduisant à une surchauffe de l'économie semblent désamorcées. Les derniers chiffres sont sortis en effet inférieurs aux attentes en avril, et les estimations pour les deux mois précédents révisées à la baisse. Le salaire horaire moyen a augmenté de 0,2 %13, soit un peu moins que les 0,3 %13 attendus, ce qui réduit la hausse d'une année sur l'autre à 3,9 %13, contre 4,1 %13en mars. Il s'agit de la plus faible augmentation annuelle depuis juin 2021. Le salaire horaire moyen ne représente pas la mesure salariale préférée de la Fed, car trop bruité, mais d'autres indicateurs indiquent aussi un relâchement des pressions salariales, notamment une baisse du taux de démissions volontaires à des niveaux inférieurs à ceux d'avant la pandémie.
Par ailleurs, l’impact des chocs externes tels que la hausse des prix du pétrole ou les coûts du transport semble contenu à ce stade.
Aussi une grande partie de la désinflation pourrait-elle désormais provenir du ralentissement des loyers, représentant plus de 40 %13 du poids de l’indice des prix des services, et qui selon toute vraisemblance devraient flêchir dans les prochains mois/trimestres.
L’arrêt de la désinflation aurait pu en théorie laisser craindre un réhaussement des taux, mais Jerôme Powell semble l’avoir écarté lors du dernier meeting. Au contraire même, la Fed souhaite réduire le rythme du quantitative tightening (resserrement quantitatif), ce que le marché a bien perçu.
Quant à la consommation des Américains, elle reste soutenue. Leur épargne fond, notamment celle des ménages les plus fragiles. Néanmoins, la montée des marchés boursiers et des prix de l’immobilier, ainsi qu’une croissance des salaires toujours supérieure à l’inflation, leur procurent un gain de pouvoir d’achat réel. Ainsi, les ventes au détail ont progressé en mars (en avril aussi), ce qui porte sur le premier trimestre leur hausse à près de 3%13 en rythme annualisé. De plus, la part de la consommation privée dans le PIB sur le trimestre ressort au-dessus des attentes, démontrant qu’il s’agit d’une croissance solide. Les Américains bénéficient également d’un marché du travail dynamique. Créations d’emploi, licenciements faibles, augmentation du nombre d’heures travaillées et temps partiel moins subi que ces derniers mois : les données sur la qualité de l’emploi sont rassurantes.
Les points à surveiller se situent plutôt du côté de l’immobilier et du secteur manufacturier. Les ventes dans l’ancien pâtissent des niveaux des taux et la construction résidentielle faiblit. Sur le marché, les stocks augmentent mais ce ralentissement pourrait aussi contribuer à freiner l’inflation. Quant à l’indice ISM manufacturier16, il ne parvient pas vraiment à franchir le seuil des 50 points17. Le secteur manufacturier reste à la peine aux États-Unis depuis 18 mois, à l’exception de l’automobile et de la haute technologie. Des taux d’intérêt élevés plus longtemps et un dollar fort pourraient ralentir la reprise à court terme, néanmoins la faiblesse des stocks, les mesures de relance budgétaire par le biais de la loi CHIPS18, la nécessité de construire des logements et l’amélioration de la situation en termes de chaînes d’approvisionnement devraient favoriser une reprise graduelle. Aussi l’augmentation de la composante « prix payés » au sein des indices PMI ne constitue-t-elle pas un motif d’inquiétude à l’heure actuelle ; elle tient plus à la hausse temporaire du prix du baril.
Europe : bonnes nouvelles en cascade
Bonnes nouvelles et bonnes surprises, les diverses publications de la zone euro en avril ont rassuré sur tous les fronts. Bien que l'inflation globale soit demeurée inchangée à 2,4 %19 l'inflation sous-jacente a baissé, tout comme l'inflation des services à 3,7 %19 , pourtant tenace après cinq mois de blocage à 4 %19, tandis que l’économie rebondit enfin, après cinq trimestres de stagnation. Le PIB réel a surpris, avec une hausse de 0,3 %19 au premier trimestre, ce qui laisse espérer une croissance annuelle légèrement inférieure à 1 %19, nettement au-delà des prévisions faites en début d’année par le consensus.
Cette conjugaison de facteurs va permettre à la BCE d’amorcer avec plus de sérénité sa baisse de taux. Un repli de 25 points19 de base au mois de juin semble quasiment acquis.
La confiance du marché demeure également nourrie par des publications positives émanant de l’ensemble des pays de la zone euro. Ainsi, l’Allemagne sort de la stagnation, avec une croissance de 0,2%19 sur le trimestre. Les exportations et les investissements dans la construction reprennent des couleurs et nous estimons que l’inflation devrait y repasser sous les 2 %19 d’ici l’été. La France se démarque de son côté par une accélération de la consommation des ménages, + 0,4 %19, contre 0,2 %19 au trimestre précédent. La croissance en Italie ou en Belgique ressort à 0,3 %19 et atteint même 0,7 %19en Espagne ou au Portugal.
L’amélioration de la situation européenne se lit aussi dans l’expansion des indices PMI, qui atteint sur la zone 51,7 points19 en avril pour l’indice composite (vs 50,3 en mars)19, un plus haut depuis 11 mois, dépassant celui des États-Unis pour la première fois depuis un. Il s’élève même à 53,319 pour le secteur des services. La France se situe autour de 50, un seuil que franchit enfin l’Allemagne, après neuf mois bloqués en dessous. L’Europe du Sud poursuit sur sa lancée, avec des indices solides.
Autre point positif, le marché du travail se porte bien. Les services continuent de créer des emplois, et les réductions de postes dans le secteur manufacturier ralentissent. Les Européens profitent d’une augmentation de la demande extérieure, qui favorise les exportations et soutient l’emploi ainsi que les revenus réels. Enfin, les points noirs de l’économie européenne, la construction et l’immobilier, pourraient profiter d’ici peu d’un allègement des conditions de financement dans l’hypothèse (hautement probable) d’une baisse des taux au début du mois de juin.
UK : rattrapage en vue
Après avoir sous-performé les États-Unis et la zone euro depuis le début de la pandémie, la chute ayant été plus profonde en 2020 et la reprise qui a suivi plus poussive à la suite de la flambée des prix de l'énergie et des denrées alimentaires, l’économie britannique a commencé à rattraper une partie du terrain perdu. Cela transparaît dans la première estimation de croissance de PIB réel du premier trimestre 2024, à 0,6%19. L'investissement fait son retour au Royaume-Uni, où on notera une accélération dans les services tandis que la pression sur les prix s'y atténue, bien qu’elle reste trop élevée. Nous attendons, comme le consensus, une première baisse des taux de la BoE20 dès cet été, début août, après la BCE mais avant la Fed.
Chine : une croissance à risque
La hausse réelle de 5,3 %21du PIB chinois en glissement annualisé n’a pas vraiment impressionné le marché. Il a en réalité porté plus d’intérêt à la baisse des ventes de détail et de la production industrielle en Chine en cette fin de premier trimestre. Investisseurs et économistes ne semblent pas approuver le choix d’une stimulation de la croissance par un choc d’offre. Le gouvernement a en effet fait le choix d’alimenter l’économie en favorisant le secteur manufacturier, au travers d’aides à la production, ce qui a mécaniquement favoriser la reconstitution de stocks. Cela a pour avantage de soutenir entreprises et emplois, du moins à court terme. Néanmoins, cela impose de trouver des débouchés pour ces stocks, principalement hors de Chine. Face aux réticenses des occidentaux, qui préparent ou annoncent des hausses des taxes sur les importations chinoises , cette politique pourrait mettre sous pression les prix et le PIB. À cela s’ajoute un essoufflement de la consommation domestique, qui se normalise après le Nouvel An chinois.
Après avoir stabilisé le marché de l’emploi grâce à des mesures de relances budgétaires, le gouvernement entend maintenir son soutien au secteur de l’immobilier, qui a beaucoup souffert. Nous nous attendons ainsi à une poursuite des baisses de taux d’ici la fin de l’année. Les ventes ont d’ailleurs déjà commencé à se stabiliser dans certaines villes. Il en faudra cependant beaucoup plus pour rassurer les ménages. Quant aux entreprises et aux investisseurs, l’inquiétude demeure face à l’absence de perspectives réglementaires fixes et stables.
Fed et élections américaines : les scénarios possibles
La première baisse de taux américains pourrait survenir avant les élections, en septembre ou octobre, c’est d’ailleurs ce qu’anticipe le marché. Il pourrait aussi y en avoir une autre post-élections, en fonction de la composition des deux Chambres. Si l’un des partis remporte la majorité dans les deux Chambres du Congrès, cela laisse au nouveau Président et à son administration toute lattitude pour une nouvelle impulsion budgétaire – dont les priorités différeront selon qu’il s’agit des Démocrates ou des Républicains. Leurs dépenses pourraient relancer l’inflation et convaincre la Fed de demeurer sur des positions conservatrices.
À l’inverse, si le Congrès reste divisé, les possibles réductions d’impôts voulues par les Républicains, ou les dépenses sociales prévues par les Démocrates, se verront beaucoup plus limitées, voire bloquées. Un contexte qui pourrait cette fois encourager la Fed à réaliser une nouvelle baisse de taux.
The Long View
HY22: inépuisable (sur)performance ou énième exubérance ?
Les performances récentes, et spectaculaires, du segment High Yield (HY), particulièrement depuis l’été 2022, suscitent sinon du scepticisme, du moins des interrogations. Sa soi-disant cherté relative anime donc les débats depuis des mois sans toutefois en avoir infléchi la tendance haussière. Ce que certains investisseurs tiennent pour la résultante d’une exubérance de marché n’a cessé de surprendre en 2022, puis en 2023 et encore aujourd’hui en 2024. Mirova a pour sa part fait son choix : selon nous, des éléments probants sous-tendent ces performances et pourraient même en augurer de belles à venir. Alors, comment en sommes-nous arrivés à cette conclusion ?
D’abord, rappelons que l’indice HE40 a délivré 5,3%23 de performance annuelle moyenne depuis 1997 ; cela remet déjà en perspective les récents mouvements, qui au regard de l’histoire, n’apparaissent pas si exceptionnels. La détention de HY s’inscrit donc bien dans une optique de long terme.
Rendement annuel équivalent de 5,3% depuis sa création en 1997 et en croissance
Les chiffres données se réfèrent aux années précédentes. Le rendement passé n’est pas un indicateur fiable du rendement futur
Rendements annuels – indice HE40 High Yield EUR BB-BS

Source : Bloomberg, ICE 31/12/2023
Rendements à 3 ans – indice HE40 High Yield EUR BB-Bs

Source : Bloomberg ICE, 31/12/2023
Trop d’émissions fût un temps, trop peu dorénavant !
Trois facteurs conjoncturels, devenus, avec le temps, presque structurels n’ont eu de cesse de renforcer les facteurs techniques et fondamentaux de cette classe d’actifs obligataires. Leur combinaison produit une sorte de nouveau paradigme, d’après nous parti pour durer ; il provient du déséquilibre offre/demande, d’une corrélation quasi nulle aux taux et subséquemment de convexités favorables aux porteurs. Tout cela a posé les jalons de la surperformance du HY.
Reprenons ces trois facteurs :
- Le Covid a des effets secondaires…
L’épisode covid a eu des implications notables. En effet, entre les dégradations d’émetteurs Investment Grade (IG) à HY et la ruée vers les liquidités de tous ces émetteurs, IG compris, les indices HY avaient grossi, jusqu’à atteindre un pic en 2021.
Nous le savons aujourd’hui, les entreprises ont emprunté davantage que ce dont elles avaient vraiment besoin. Or, les événements géopolitiques ont, par la suite, « fermé » l’accès au marché primaire en 2022-2023 par aversion au risque. Ajoutons enfin les faibles tombées de dettes résultant des refinancements réalisés sur la période 2020-2021 avec des maturités 5-7 ans à des taux très favorables, une certaine flexibilité sur les CapEx24requis après des années d’importants investissements, un M&A atone en l’absence d’acquisitions transformantes, un nombre significatif de rising stars25 et nous avions là les conditions d’une contraction de l’offre.
- Le débat hard / soft / no landing 26
Nos lecteurs réguliers savent que Mirova a tranché il y a longtemps en faveur d’un scénario de soft landing, mais le marché a pour sa part tergiversé, ce qui a induit des interrogations sur les perspectives de hausse des taux, lesquelles ont d’abord troublé la perception du HY.
De nombreux acteurs de marché voient dans la hausse des taux, des matières premières, du coût des intrants, bref de l’inflation, des catalyseurs extrêmement négatifs pour le HY. Cela s’observait d’ailleurs dans les niveaux de décollecte record en 2022. Il s’agit selon nous d’une approche induisant parfois en erreur ceux qui l’adoptent, du moins actuellement car le HY peut tout à fait se targuer d’une corrélation nulle au taux, et ce sur des périodes longues. Nombre d’émetteurs se révèlent agnostiques aux effets de l’inflation, quand ils n’en tirent pas profit via les mécanismes de transmission de prix, du fait de leur hyper spécialisation, ou parce qu’ils se situent très en amont dans la chaine de valeur.
(Très) faible corrélation historique entre HY et les mouvements des taux souverains

Sources : Bloomberg au 30/01/23, outil matrice de corrélation, « CORR », Mirova
3. Le spectre de la dégradation : qui croit encore aux fantômes ?
Aucune entreprise ne souhaite subir de dégradation de sa notation alors que les taux sans risque explosent. Les entreprises HY historiques n’ont pas échappé à cette règle, et leurs actionnaires non plus, qui ont su faire preuve de flexibilité financière. Dans de nombreux cas, le montant de la dette a été significativement réduit lors des exercices de refinancement, par injection en capital des sponsors, ventes d’actifs ou utilisation de liquidités au bilan limitant ainsi significativement l’impact de la hausse des taux, le tout pour préserver les notations et contenir les frais financiers. De nombreuses entreprises HY ont aussi restreint leurs politiques de distribution et abaissé leurs cibles de levier net. Les entreprises se trouvent, plus que jamais, motivées à ajuster leurs politiques financières afin de conserver leurs notations voire à les améliorer.leurs cibles de levier net. Les entreprises se trouvent, plus que jamais, motivées à ajuster leurs politiques financières afin de conserver leurs notations voire à les améliorer.
“He who matures early lives in anticipation.”- Theodor W. Adorno
Des effets techniques comme jamais auparavant | Contraction de 21 % du HY en deux ans | La variation pic/creux pourrait atteindre 40 % si les niveaux d’avant COVID-19 étaient retrouvés

Sources : Bloomberg au 31/03/24, Mirova
Tous ces éléments ont contribué à l’attrition record de la classe d’actifs. Les indices se sont tellement réduits sous ces effets, qu’ils ont aisément compensé la décollecte.
La demande nette – émissions - remboursements - collecte nette - rising stars + fallen angels27 – a ainsi explosé depuis 2022. Résultats des comptes, l’indice s’est contracté de 21% depuis son pic de 2021. Pour information, s’il devait revenir à ses niveaux d’antan (ceux de 2019), cela signifierait encore 20% de rétrécissement d’indice supplémentaires.
Cher en surface, attractif en profondeur ?
Le HY tire une grosse partie de son « expected return 28» i) de son rendement courant (ou coupons/intérêts), ii) des variations de son spread, iii) dans une moindre mesure, des taux sans risque et iv) des structures de call, c’est-à-dire de la convexité. Il reste courant de voir plus de trois options de remboursements, sous la forme de dates et prix différents. Plus la date s’avère proche, plus le prix s’élève pour compenser les investisseurs.
Il faut aussi préciser que le rendement HY reste mesuré « au pire », c’est-à-dire au niveau minimal auquel l’investisseur peut s’attendre. Toutes choses égales par ailleurs, il ne peut donc y avoir que mieux !
Pour résumer cette notion, tout remboursement intervenant plus tôt qu’escompté, sachant qu’actuellement la majorité des obligations traite en dessous du pair (signifiant que le marché s’attend en moyenne à des remboursements à maturité, donc au plus tard possible), augmente considérablement le rendement dans la configuration actuelle. Ce n’est pas du tout le cas pour la plupart des classes d’actifs, IG ou subordonnées compris.
Le potentiel latent du HY : les dynamiques de call et la convexité

Sources : Bloomberg au 31/03/24 sur un échantillon d’environ 100 titres, Mirova
Si nous corrigeons les spreads et rendements de cet effet en retenant l’hypothèse d’un remboursement prématuré d’un à trois ans, alors le HY, hors subordonnées, peut délivrer jusqu’à 2,4% de rendement supplémentaire par rapport au rendement au pire affiché. L’effet est donc radical. Or, la baisse des taux peut rendre cette hypothèse de remboursement anticipé plus que plausible car en faisant augmenter le prix des obligations, elle incite les émetteurs à refinancer par anticipation. Il convient en outre de noter que les émetteurs single B avec une structure du capital concentrée sur une maturité se trouvent plus qu’incités par les agences de notations à rappeler leurs obligations au moins un an avant leur maturité afin d’éviter un downgrade en catégorie CCC sur le facteur de la liquidité.
Même en l’état, sans recourir à ces hypothèses, les spreads du HY ne nous paraissent pas aberrants ni extrêmes contre d’autres classes d’actifs :
- les multiples vs IG se situent à leur niveau médian de 3,3 ;
- les indices CDS reflètent un taux de défaut de 1,9% en nombre d’émetteurs, en ligne avec les occurrences de défaut sur un an glissant
Le portage et le rendement élevé absolu sont revenus au niveau des 5 % et plus. Le multiple HY vs IG à 3,3, est très proche de la moyenne/médiane historique

Sources : Bloomberg au 31/03/24, sur indice ci-mentionnés, outil « HS », Mirova
N’oublions pas en définitive que l’univers HY Euro reste mieux noté que bien des observateurs ne semblent le penser car ceux-ci négligent souvent la forte prépondérance des BBs et composé de plus de « subordonnées » contractuelles, souvent émises par des entreprises notées IG (A, AA au niveau senior) qu’ils ne le croient. Tout cela implique de mettre en perspective les spreads actuels et devrait inviter à la prudence au moment d’effectuer des comparaisons historiques. Aujourd’hui, le HY tend vers une meilleure qualité que celle de sa moyenne historique, et le marché ne nous paraît pas l’avoir pris totalement en compte.
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