Mirovα, Creating Sustainable Value - Octobre 2024
Bilan et perspectives marchés
Résilience US sur fonds de surprise chinoise
En l’espace d’un mois, les marchés nous ont donné l’impression de traverser un cycle complet tant la perception des investisseurs a évolué sur la période, passant d’un extrême à l’autre. Septembre a démarré sous de mauvais auspices, avant une fin de mois en net rebond. Le S&P 500 1 gagne ainsi 2%2, signant le meilleur mois de septembre en cinq ans, l’indice obligataire mondial prend 1,7%2, portés notamment par des Bons du Trésor américains en hausse de 1,2%2, soit une cinquième progression mensuelle consécutive, une première depuis 2010.
Traditionnellement, septembre est difficile sur les marchés et celui de 2024 ne semblait pas faire exception. Des publications très décevantes en provenance de la zone euro ont plombé le moral des investisseurs, avec un indice PMI3 manufacturier toujours en zone de contraction à 45,82 points, lesté par une composante nouvelles commandes en baisse, ou des annonces de réduction d’effectifs, notamment en Allemagne avec le cas VW. Globalement la confiance du monde des affaires continue de s’éroder. Côté français, les craintes portent sur le déficit, qui devrait dépasser 6%2. Le spread4 10 ans entre la France et l’Allemagne a ainsi atteint 802 points de base en cours de mois, malgré les difficultés de cette dernière. Depuis la dissolution de l’Assemblée nationale, le spread français a d’ailleurs pris 352 points de base face à l’Allemagne et à la Grèce ; 25 face à l’Espagne. La France emprunte désormais aux mêmes conditions que l’Espagne et plus cher que ne le fait le Portugal.
Le rallye haussier des actifs risqués doit donc se chercher en dehors de la zone euro, et plus précisément aux Etats-Unis et en Chine. Outre-Atlantique, la baisse de taux de la Réserve fédérale a un peu surpris par son ampleur, 502 points de base, mais l’institution a réussi dans le même temps à envoyer des signaux positifs concernant la santé de l’économie américaine. La décision a été prise à la quasi-unanimité par les membres du bureau des gouverneurs, notamment pour contrer une éventuelle décélération du marché de l’emploi. Mais la Fed5 a insisté sur l’aspect préventif de sa décision, indiquant agir par anticipation et non par réaction, de nature à consolider le scénario de soft landing 6et écarter tout risque de récession. A ce sujet, le chiffre des créations d’emplois, 140 0002, sorti en septembre au titre du mois d’août, a rassuré après le stress de cet été. Confirmé par la suite par le chiffre d’octobre, nettement au dessus des attentes (cf. perspectives macro ci-dessous). A cela s’ajoute une inflation toujours déclinante, qui se dirige graduellement vers la cible de 2%2 en ligne avec les objectifs de la Fed. La confiance des consommateurs se maintient, tandis que l’affrontement politique semble tourner en faveur de Kamala Harris. En tête des sondages dans une majorité de swing states 7 et à l’échelle nationale, sa victoire pourrait avoir un effet limité sur l’inflation, contrairement à celle de son adversaire.
Sur les marchés, le taux à 2 ans s’est affiché en forte baisse, - 27 p.b8., tandis que le repli du 10 ans a été moins prononcée, - 12 b.p2., renforçant la pentification de la courbe. Cet assouplissement a profité aux valeurs cycliques, à la construction, à la consommation discrétionnaire, aux industries de base et à l’automobile.
La BCE9 a elle aussi abaissé son taux directeur de 252 points de base, ce qui était attendu par le marché. Mais la véritable surprise est venue de Chine. A l’occasion du politburo de septembre les autorités chinoises ont voulu démontrer leur volonté de reprise en main de la situation économique du pays, sur la base d’une politique du « quoi qu’il en coûte ». Sans atteindre les proportions de la relance consécutive à la crise de 2008, les autorités semblent cependant prêtes à déployer tous les moyens nécessaires pour stopper la chute du marché immobilier et stimuler le prix des actifs de façon à enrayer la crise de confiance dans laquelle le pays s’est enfoncé. Pékin a donc annoncé un plan de relance massif, à la fois monétaire et budgétaire dont le montant pourrait avoisiner les 4 trilliards de yuans 10(à confirmer), et destiné à soutenir aussi bien la consommation, que le système bancaire via des recapitalisations, le secteur de la construction et de l’immobilier via des baisses de taux et rachats de stocks d’invendus ou les marchés actions via des mesures inédites. Des marchés dont la réaction a été presque immédiate et qui ont gagné près de 25%10 sur les annonces. Les effets de ce plan se sont également ressentis sur les places européennes, avec un rebond des valeurs du luxe et des ressources de base.
Malgré ce plan de relance d’ampleur et le rebond des valeurs cycliques, le pétrole a quant à lui baissé en baisse de 9%10 sur le mois. En cause, la décision de l’Arabie Saoudite d’abandonner ses objectifs de réduction de production pétrolière. La chute des prix du baril est venue renforcer la thématique de la consommation sur les marchés. Le bitcoin, enfin, termine le mois sur une progression de 10%10.
Graphique du mois
Bilan et perspectives macro
Macroéconomie : un mois avant les élections US, les regards se tournent vers la Chine
Après un très bon troisième trimestre, que va réserver la fin de l’année ? Sur les marchés, la perspective dominante reste que l’économie mondiale fonctionne globalement à son juste potentiel, en ligne avec une croissance autour des 3%, 11et ce malgré un contexte géopolitique explosif ainsi qu’une forme d’attentisme en amont des élections US. L’activité aux Etats-Unis s’avère plus résiliente qu’anticipée, avec des indices de surprise économique passés de négatifs à positifs. Notre scénario en faveur d’un soft landing américain réussi se confirme donc pour l’instant. Les points de surveillance se situent plutôt du côté de la zone euro, avec la France et l’Allemagne engluées dans des difficultés économiques et politiques, et de la Chine, où il faudra apprécier les effets des annonces de relance dans la durée.
États-Unis : le juste dosage de la Fed
Une quasi-unanimité du board de la Fed en faveur d’une baisse de taux de 5011 centimes : cet élan prouve que l’institution se montre très attentive à l’évolution des chiffres de l’emploi américain et plutôt confiante quant à la poursuite de la dynamique de désinflation. Après une alerte, selon nous exagérée (voir Mirova Alpha de septembre) au mois d’août, la priorité de la Réserve fédérale demeure bel et bien la santé du marché du travail. Son objectif consiste à agir de manière préventive, afin d’éviter le déclenchement de vagues de licenciements. L’histoire démontre en effet qu’une fois lancés, ces mouvements deviennent extrêmement difficiles à inverser, d’où une baisse de taux de 50 centimes, supérieure au consensus.
Le marché a d’autant plus apprécié cette décision que, traditionnellement, un cycle d’assouplissement de politique monétaire en période de soft landing et non de récession est très favorable pour les actifs risqués, notamment les actions. A noter toutefois : les attentes de baisse des taux de la Fed sur les prochains trimestres encore agressives, d’où un risque de retracement potentiel en cas de rebond de l’activité, à l’image du mouvement début octobre après les chiffres de création d’emplois nettement supérieurs au consensus. Notre scénario central demeure celui de deux baisses de taux de 25bp11 d’ici la fin de l’année, en novembre et décembre, ainsi que d’une baisse graduelle d’ici l’été prochain en direction d’un taux terminal autour de 3,5%11.
Le marché se montre également favorable au scénario politique qui semble certes le plus probable mais encore très incertain (risque de choc potentiel sur les taux post élections), avec une victoire de Kamala Harris, et une des deux Chambres remportée par les démocrates. Cela vient en effet rassurer face au spectre de mesures politiques inflationnistes et de tensions commerciales, fortement plausibles en cas de victoire de Donald Trump.
Enfin, le consommateur américain, au centre des attentions, semble confiant. Il a profité de la baisse des cours du pétrole et d’un effet richesse positif, d’un gain de pouvoir d’achat réel et d’une réserve d’épargne qui s’avère finalement nettement supérieure, en agrégé, aux estimations initiales du consensus, lequel pariait sur une disparition des surplus post covid.
Au troisième trimestre, en rythme annualisé, la croissance du PIB12 s’élève à près de 3 %11 selon le modèle de la Fed d’Atlanta. Les Etats-Unis pourraient donc enregistrer une croissance de 2,7-2,8 %11 sur l’année, et disposent d’un potentiel de croissance acquis pour 2025. Aussi le consensus place toujours la probabilité d’une récession sur les 12 prochains mois à 30 %11, ce qui nous semble trop élevé.
Zone euro : France et Allemagne inquiètent
Si les mauvaises nouvelles en zone euro semblent déjà intégrées par le marché, de nombreux sujets d’inquiétude demeurent cependant et il faudra sans doute attendre le second semestre 2025 pour voir un rebond. Les deux points de blocage principaux sont à chercher en France, avec un déficit à réduire, et en Allemagne, avec une récession industrielle, alors que les marges de manœuvre s’amenuisent pour un an encore. Voilà deux pays bien éloignés du sort plus enviable de l’Espagne, qui engrange des gains de productivité, profite de sa réindustrialisation, d’une baisse de son déficit, des effets positifs de l’immigration et des plans de relance de l’UE.
La France se trouve notamment au cœur de toutes les inquiétudes, avec une situation politique instable, et ce alors que l’UE13 attend d’elle une forte réduction de son déficit. La croissance du PIB sur 2024 est attendue à 1,2 %14mais devrait redescendre au mieux à 1% dès l’année prochaine, avec un rebond très lent de l’investissement privé. La dynamique d’investissement a d’ailleurs été très faible au deuxième trimestre et la croissance a été révisée de 0,3 % à 0,2 %14.
De plus, la nature de la croissance n’a pas été cette année propice à une réduction des déficits. Elle provient en effet d’une hausse des exportations hors zone euro et d’une baisse des importations car la consommation a ralenti. Il n’y a donc pas de vente de produits taxables venant apporter des recettes fiscales dans les caisses de l’Etat. Désormais, pour éviter un scénario de crise de la dette, le gouvernement doit trouver un juste équilibre entre la réduction des dépenses et la hausse des taxes, afin de ne pas casser la croissance. Comme nous l’écrivions en avril, la seule bonne nouvelle à cet égard vient d’un gisement d’économies a priori peu nocives pour la croissance. Sans doute cela explique-t-il que pour l’instant, la dette française ne subisse pas d’attaque de la part des investisseurs. Toutefois, le risque d’un retournement de situation n’est pas à écarter, notamment dans le cas d’une motion de censure adoptée à l’encontre du gouvernement ou d’une abrogation de la réforme des retraites.
Face à cette situation, nous ne voyons pas de facteur pouvant surprendre positivement en France à court terme et les scénarios favorables se concentrent plutôt sur l’Espagne et l’Italie, pour des raisons moins homogènes qu’il n’y paraît. Le spread de la France pourrait donc continuer à s’écarter par rapport aux autres pays européens.
Une BCE sous pression
Nouvelle baisse de taux également de la part de la BCE, alors qu’en France, Allemagne, Italie et Espagne, l’inflation s’est avérée inférieure aux attentes, sous les 2%14. Cela est en partie dû à une composante énergie très faible et des effets de base favorables par rapport à la situation d’il y a un an. Néanmoins, l’ampleur du repli va au-delà de ces seuls effets de base, les niveaux d’inflation sur un an ressortant un demi-point en dessous des attentes, y compris des estimations faites par la BCE.
Avec une baisse de la confiance et des indicateurs avancés et une récession manufacturière en Allemagne et en France, nous n’anticipons pas de rebond à court terme de la croissance en zone euro. La BCE devrait donc poursuivre des baisses de taux de 2514 points de base, en octobre et en décembre. Elle devrait ainsi converger, à mi-2025, vers son taux neutre de 2%14, un seuil qui nous semble nécessaire compte tenu de l’environnement économique. La conjoncture met la BCE sous pression et rend ses décisions très scrutées. Elle pourrait d’ailleurs accélérer son rythme de baisse de taux si la Fed s’engage sur un chemin similaire.
La Chine prend le monde par surprise
Xi Jinping a pris la parole en personne pour présenter le vaste plan de relance budgétaire et monétaire destiné au pays. Si celui-ci surprend par son ampleur, il apparaît surtout notable par le déploiement de nouveaux leviers de soutien. Ainsi, le gouvernement prévoit d’agir directement auprès des populations les plus pauvres avec des distributions de chèques, une initiative peu habituelle. Il soutient également les marchés, en facilitant les rachats d’actions et en permettant d’utiliser les ETF15 en garantie pour obtenir des crédits. Le gouvernement, qui cherche à stopper un effet de richesse négatif pour sa population, a également lancé une batterie de mesures destinées à soutenir le marché de l’immobilier. Outre un abaissement des taux et un assouplissement des conditions de crédit, il souhaite également soutenir les collectivités locales pour une reprise des stocks d’immobilier invendus, afin de fluidifier le marché. La réussite sur ce point sera clé dans l’orientation future de l’économie chinoise.
Ce plan démontre une volonté d’intervenir « quoi qu’il en coûte » et laisse entrevoir de nouvelles baisses de taux si cela s’avère nécessaire. De quoi aussi essayer de dissuader des investisseurs de shorter la Chine sur les marchés. D’ailleurs, ceux-ci ont été sensibles aux annonces chinoises. Le marché, largement sous-pondéré sur la Chine, est revenu à une position plus neutre.
Les effets d’un plan à surveiller
Xi Jinping n’a pas expliqué dans le détail la ventilation des aides qui doivent être déployées. Certains chiffres ont fuité dans la presse mais l’ampleur du plan budgétaire et la mise en application des mesures doivent faire l’objet d’une attention très prononcée. Peut être que ce flou sert aussi à conserver des leviers activables si nécessaire après les élections américaines, dont l’issue pourrait se révéler plus ou moins favorable à la Chine selon que M. Trump obtienne un second mandat ou Mme Harris en décroche un. Il intervient alors que le yuan s’est apprécié cet été et que la politique accommodante de la Fed desserre la pression sur les émergents, avec des taux et un dollar plus faibles. Néanmoins, au-delà de ce timing plutôt judicieux, il faudra attentivement mesurer l’impact du plan sur la demande domestique et valider ses effets sur l’économie réelle, notamment les prix de l’immobilier. A plus large échelle, l’objectif consiste également à éviter une fuite des capitaux étrangers, à court comme à long terme. Nous pensons que les annonces de M. Xi, par l’ampleur des mesures proposées, auront un effet bénéfique mais voyons mal comment celui-ci pourrait se prolonger au-delà de la fin 2025 tant les sous-jacents macroéconomiques chinois semblent abîmés par la démographie.
Et les élections US dans tout ça ?
Chacun exprime son point de vue sur les élections américaines et leurs potentielles répercussions. Nous nous livrons aussi à l’exercice, en distinguant bien le scénario d’une victoire de M. Trump assortie d’une majorité dans les deux Chambres du Congrès, de celui d’une victoire du même mais sans le contrôle de ces deux Chambres, et de celui d’une entrée de Mme Harris à la Maison Blanche. Pourtant, la prévision la plus importante tient sans doute, selon nous, à ce que cette élection ne changera guère le destin de l’économie américaine, dont nous pensons que les vrais facteurs se trouvent toujours à Palo Alto, au Texas, dans les usines de tout le pays plutôt qu’à Washington. Nous avons suffisamment écrit ces deux dernières années sur les raisons de notre optimisme quant à l’évolution de l’économie étatsunienne, fondée surtout sur les gains de productivité à tirer du rajeunissement du parc industriel américain, combiné à l’implémentation de la robotique voire de l’intelligence artificielle pour ne pas y revenir. Nous ne voyons pas par quel caprice les Démocrates ou les Républicains s’escrimeraient à enrayer ce processus à moins qu’ils ne veuillent l’appuyer par un expansionnisme budgétaire qui nous paraît désormais trop compliqué à absorber pour le Trésor, voire pour la FED, au vu des niveaux de déficits déjà atteints. Le sujet majeur tient à ce que ces élections auront sans doute une influence significative… en dehors des Etats-Unis, qui demeurent une économie au fond assez fermée, et paradoxalement très importante pour de nombreuses économies comme l’Allemagne, l’Italie, la Chine ou tant d’autres. La situation des conflits au Moyen Orient, avec un Trump plus agressif que les Démocrates sur le dossier iranien, ou en Ukraine, avec une éventuelle administration Harris sans doute plus offensive que les Républicains envers la Russie, va aussi évoluer en fonction de l’occupant du bureau ovale. Pour paraphraser John Connally, qui s’adressant à des diplomates européens leur aurait lancé que « le dollar est notre monnaie, mais votre problème », nous pourrions dire des Américains que « l’hôte de la Maison Blanche est leur président, mais pas leur problème ». Voilà la source de notre optimisme à tout crin sur les Etats-Unis : il ne signifie pas que le programme de M. Trump n’aurait aucune influence sur l’économie américaine, mais qu’elle resterait insuffisante à perturber les dynamiques déjà à l’œuvre sur place.
The Long View
Banques – A l’Est, du renouveau
Europe de l’Est : nouvelle périphérie ?
Le resserrement des spreads entre les banques d’Europe périphérique16 et celles des pays « core »17 a poussé les investisseurs à relever le défi consistant à dénicher de nouvelles opportunités d'investissement combinant histoire de crédit solide et potentiel de compression des spreads. Parmi les alternatives, il y a les possibilités i) de descendre dans la structure du capital, ii) d'allonger les maturités ou iii) d'investir dans des émetteurs les moins bien notés pour capter des rendements plus élevés. Il s’agit d’options peu satisfaisantes pour les investisseurs qui ne peuvent ou ne souhaitent pas prendre davantage de risques en raison de leurs contraintes de portefeuille. Fort heureusement, il existe une autre possibilité d’accroître le rendement d’un portefeuille sans en compromettre le niveau de qualité du risque ni en augmenter la volatilité : les obligations émises par les banques d’Europe centrale et orientale (ECE).
Aperçu du Secteur Bancaire en ECE
Le secteur bancaire en ECE représente une proportion relativement restreinte des actifs bancaires de l'Union européenne (UE), comptant pour environ 5 %18 du total à la fin juin 2024. La Pologne et la République tchèque en forment les plus grands contributeurs. Les banques d'ECE constituent selon nous un cas d'investissement attrayant, du fait de leur inclusion dans des économies émergentes européennes en croissance mais qui bénéficient de l'adhésion à l'UE et de son cadre institutionnel. Nous considérons que les systèmes bancaires d'ECE sont rentables, bien capitalisés, qu’ils profitent d’une qualité d'actif adéquate, globalement en ligne avec celle des banques périphériques européennes, et qu’ils disposent de dépôts domestiques stables comme source de financement. La contrepartie à ces atouts provient de risques spécifiques, parmi lesquels l'instabilité politique dans certains pays et des risques géopolitiques, notamment pour les États baltes. De plus, dans certains pays comme la Pologne et la Hongrie, l’intervention du gouvernement dans le secteur bancaire a conduit à des mesures visant à protéger les emprunteurs, ce qui a exercé une pression sur la rentabilité des banques. Néanmoins, la grande majorité des banques a absorbé ces mesures et elles y demeurent rentables.
Univers d'Investissement en Croissance
Notre univers d'investissement pour les banques d'ECE se limite aux 11 pays membres de l'UE dans la région. Dans cet univers, il y a environ 30 banques qui ont émis un peu moins de 100 obligations senior et subordonnées libellées en Euros, chacune avec un montant en circulation dépassant 100M€. 19 Environ deux tiers de ces obligations ont reçu une notation par au moins une agence de notation et étaient principalement destinées aux investisseurs internationaux. Le montant nominal total en circulation de l'univers noté est légèrement supérieur à 20Mds€s19, avec une concentration en République Tchèque, Pologne et Hongrie, suivies de la Roumanie, de la Slovénie, de la Slovaquie et de l'Estonie. La taille nominale moyenne reste inférieure à la taille de référence, c'est-à-dire 500M€19.
Les obligations vertes, sociales et durables (GSS) émises par les banques de la région ECE, faisant partie de l'univers d'investissement de Mirova, présentent un ratio d'éligibilité d’environ 45%19, contre environ 75%19 pour l'ensemble des banques de notre base de données. Deux raisons principales expliquent cet écart : d'une part, les banques de la région ECE manquent souvent d'une stratégie de décarbonisation robuste, incluant des objectifs spécifiques de réduction des émissions de carbone dans leurs portefeuilles de prêts. D'autre part, cet écart tend à se réduire, car plusieurs institutions financières de la région ont récemment commencé à adopter des critères issus de la taxonomie verte de l'UE, qui vise à maximiser l'impact des projets et des actifs soutenus par des obligations vertes.
Une Réglementation Incitative
Ces dernières années, les banques d'ECE ont principalement émis des instruments senior preferred (SP) et non preferred (SNP) pour se conformer aux réglementations de l'UE, notamment au ratio d’exigence minimale de fonds propres et passifs éligibles (MREL), qui exige des banques qu'elles maintiennent des instruments de dette éligibles pour une résolution ordonnée et une restauration de capital en cas de non-viabilité. La plupart des besoins d'émission dictés par la réglementation ont déjà été satisfaits, créant un effet d'offre positif pour les obligations existantes, au moins à court terme. Les émissions futures dépendront de facteurs tels que la croissance du bilan, l'évolution des actifs pondérés en fonction du risque et des règles spécifiques dans certains pays, comme la Pologne, où les banques doivent émettre de la dettes long terme pour se conformer à une nouvelle réglementation sur le financement à long terme20. L'émission d'obligations subordonnées pour les banques détenues par des établissements étrangers se fait généralement au niveau de la banque mère ou sur le marché intérieur.
Les petites banques utilisent généralement leurs propres fonds pour se conformer au MREL.
A noter : la Banque européenne pour la reconstruction et le développement (BERD) constitue un investisseur à long terme dans les banques d'ECE, ce que nous tenons pour un facteur stabilisateur sur le marché.
Un univers de Notation Investment Grade
Les instruments senior émis en Euros par les banques d'ECE ont principalement des notations Investment Grade, allant pour la plupart de BBB- à A-, tandis que la moyenne de l'UE si situe à environ A-. Dans certains cas, ces notations bénéficient du soutien des groupes bancaires étrangers qui les détiennent. Les secteurs bancaires en ECE sont largement détenus par des banques d'Europe de l'Ouest, attirées par le potentiel de rendement élevé et de perspectives de croissance solides dans la région, compte tenu de la marge de manœuvre limitée dont elles disposent dans leurs pays d'origine, où elles occupent souvent déjà des positions dominantes. Les banques autrichiennes, telles que Raiffeisen Bank International SA et Erste Group Bank AG, se montrent particulièrement actives sur le marché d'ECE, tirant parti de leur proximité géographique. La banque belge KBC Group NV a également une forte présence dans quatre pays d'ECE. En fait, plus de 40%19 de ses revenus consolidés du premier semestre 2024 ont été générés dans des pays d'ECE. De plus, d'autres grandes banques européennes, y compris ING Groep N.V., UniCredit SpA et Intesa Sanpaolo SpA, développent également leur présence dans la région avec une approche sélective, ce qui souligne là encore l'attractivité du secteur bancaire d'ECE pour les institutions étrangères.
Une Prime par Rapport aux Périphériques Européens
Il apparaît intéressant de noter les différences de spreads pour les obligations senior émises par les banques d'ECE par rapport à celles d'Italie et d'Espagne. La prime de spread moyenne est d'environ 70 points de base21 pour les obligations seniors des banques d'ECE notées BBB, à l’exception des banques baltes, par rapport aux obligations senior italiennes de même catégorie, et d'environ 95 points de base22 par rapport aux comparables espagnols. Les banques baltes offrent la plus forte prime, ce qui reflète selon nous le risque géopolitique dans la région et le fait que la plupart des investisseurs occidentaux n'ont pas encore une connaissance approfondie du secteur.
Dans la catégorie 'A', les obligations senior tchèques émises par Moneta Money Bank AS semblent particulièrement attractives, offrant un différentiel de spread d'environ 22par rapport aux obligations senior espagnoles de notation similaire. Les primes pour les obligations senior slovaques et croates paraissent également intéressantes par rapport aux pays de l'UE occidentale.
Entre la fin 2023 et la fin septembre 2024, les obligations senior d'ECE notées BBB ont surperformé leurs homologues en Europe de l'Ouest, avec des spreads ayant diminué en moyenne d’environ 100 points de base, contre une contraction d’environ 36 points de base pour les pairs d'Europe de l'Ouest. Nous soutenons qu'il y a encore une marge pour un resserrement supplémentaire des spreads.
Des Perspectives de Croissance Economiques Saines
Les banques d'ECE sont bien positionnées pour réaliser une croissance rentable dans les années à venir, soutenue par la convergence structurelle des économies d'ECE avec celles des États membres de l'UE occidentale. Les volumes que nous anticipons pour 2024 et 2025 devraient se voir portés par une croissance économique solide, qui devrait s’inscrire à des niveaux supérieurs à la moyenne de la zone euro, et par une hausse de la demande de crédit, elle-même alimentée par la baisse des taux. De plus, les banques devraient bénéficier d'une pénétration bancaire croissante dans la région.
Après une période de ralentissement de la dynamique de croissance, l'activité économique dans les pays d'ECE rebondit en 2024, et cela devrait se poursuivre en 2025. Les pays d'ECE devraient connaître une croissance deux fois plus rapide que la moyenne de l'UE. L'Estonie fait figure d’exception, car le consensus prévoit que le pays reste en récession en 2024, avec une prévision de croissance du PIB de -0,6%. La République tchèque devrait croître en ligne avec la moyenne de l'UE. Nous pensons que le financement et les programmes de développement de l'UE, y compris les subventions, les prêts et les garanties, continueront à jouer un rôle crucial dans la facilitation de l'activité économique dans les pays d'ECE, contribuant aux ambitions numériques, d'énergie verte et sociales du bloc. Les banques d'ECE bénéficieront indirectement de la croissance économique résultante et directement en tant qu'intermédiaires pour les fonds de l'UE destinés aux bénéficiaires.
En plus du financement traditionnel de l'UE, les volumes de prêts des banques d'ECE se verront eux aussi portés, bien que dans une moindre mesure, par des programmes établis par des institutions de l'UE et non membres de l'UE, telles que la Société financière internationale (membre de la Banque Mondiale) et le Groupe de la Banque européenne d'investissement. Ces programmes, y compris les transactions de transferts de risques (titrisations synthétiques), visent à élargir le prêt aux petites et moyennes entreprises ainsi qu'au financement de projets durables. Cela suggère que les banques d'ECE auront des opportunités d'accroître leurs activités de prêt et de contribuer à la croissance et au développement des économies de la région, ce qui renforcera à son tour leur profil de crédit.
Secteurs Bancaires en ECE – Similaires mais Différents
Bien que la tendance économique demeure similaire dans toute la région d'ECE en ce qui concerne la croissance du PIB attendue et le taux de chômage stable, il existe des disparités significatives dans la performance économique et les secteurs bancaires. Les banques en République tchèque et en Slovénie bénéficient d'un bilan économique solide, avec le PIB par habitant le plus élevé de la région d'ECE, estimé à environ 30 000 $ et 34 000 $, 24respectivement, en 2024, selon le FMI. Ces pays ont également des positions fiscales publiques saines. Les secteurs bancaires dans ces pays y restent concentrés, ce qui garantit un fort pouvoir de fixation des prix pour les banques dominantes. La République tchèque possède le deuxième plus grand secteur bancaire de la région d'ECE, après la Pologne, mais il ne représente que 1%23 des actifs bancaires de l'UE. Cependant, elle affiche le plus haut niveau d'intermédiation financière de la région, mesuré par le ratio des actifs du système financier par rapport au PIB, qui s'élevait à 163%23 à la fin de 2022, mais qui reste en deçà de la moyenne de la zone euro de 516%23. Le secteur bancaire tchèque est solide et stable, soutenu par de bonnes performances macroéconomiques, des finances publiques saines et des institutions fiables. Le secteur bancaire tchèque se trouve à 90%23 détenu par des établissements étrangers. De plus, les notations des banques tchèques ne subissent pas les contraintes de celles de l’Etat tchèque à Aa3/AA- par Moody's et S&P, des niveaux équivalents à ceux de la France.
Les banques en Roumanie et en Hongrie opèrent dans des environnements politiques plus volatils et avec des finances publiques plus fragiles que leurs pairs, mais elles s'en sont bien sorties jusqu'à présent et affichent des fondamentaux structurels solides qui se comparent bien à ceux des pairs de l'UE. Le haut degré de propriété étrangère et l'implication de la BERD en tant qu'investisseur en capital et en dette à long terme, ainsi qu'un environnement réglementaire aligné sur l'UE, devraient continuer à soutenir la stabilité des systèmes bancaires dans ces deux pays. La Roumanie et la Hongrie figurent parmi les économies à la croissance la plus rapide de l'UE, et le faible endettement du secteur privé devrait soutenir structurellement la croissance des bénéfices des banques dans les deux pays.
En Roumanie, la consolidation du secteur bancaire devrait profiter à l’efficacité de la structure de coûts et à la rentabilité, déjà élevée. De plus, la Roumanie a la plus haute proportion de personnes sous-bancarisées dans l'UE, offrant d'importantes opportunités de croissance pour les banques du pays.
La Pologne dispose de loin de la plus grande économie et du secteur bancaire d'ECE, représentant 2%25des actifs bancaires de l'UE, avec 37 millions d'habitants25. Le secteur bancaire en Pologne est plus fragmenté par rapport à d'autres pays d'ECE, et comprend des banques commerciales, des banques coopératives et de caisses de crédit, tant étrangères que domestiques. Cependant, les cinq plus grandes banques y détiennent une part de marché dominante. L'environnement politique et économique du pays partage des similitudes avec ceux observés en Roumanie et en Hongrie, caractérisés par un paysage politique polarisé, des relations tendues avec l'UE et un large déficit public.
Malgré ces défis, le secteur bancaire polonais a montré une bonne rentabilité et une efficacité de la gestion des coûts, grâce notamment à de fortes capacités numériques, des perspectives de croissance prometteuses, un financement et une liquidité adéquats, et un niveau de solvabilité solide. Cependant, l'intervention et la propriété gouvernementales élevées, y compris dans les deux plus grandes banques, sont considérées comme des faiblesses du point de vue de la gouvernance et des bénéfices. Grâce à une rentabilité adéquate, les banques devraient se voir en mesure d'absorber les coûts juridiques restants liés aux prêts hypothécaires en francs suisses et les coûts extraordinaires liés au régime de congé hypothécaire en cours.
Une Opportunité d’Investissement à Explorer
La combinaison de fondamentaux solides, de soutien réglementaire et de différentiels de rendement attractifs fait des banques d'ECE un choix d'investissement attrayant pour les portefeuilles obligataires. À mesure que la région continue de croître et de s'intégrer au marché européen plus large, le potentiel de rendements améliorés sans exposition significative à un risque supérieur représente une opportunité unique pour les investisseurs. C’est à l’Est que ça se passe.